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Pr Serge Mordon

Pr Serge Mordon

Physicien

INSERM U703 Lille

Lésions oculaires en fonction de la longueur d'onde du laserLésions oculaires en fonction de la longueur d'onde du laser

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Les risques des lasers Article au format PDF

Les risques des lasers

Les lasers peuvent être à l'origine de complications ou d'accidents selon que l'effet indésirable se produit au niveau ou hors de la zone de traitement. Il faut savoir qu'il n'existe pas de thérapeutique qui n'expose pas le patient à un risque de complications et que, même si les lasers sont considérés comme des instruments particulièrement sûrs, leurs taux de complications ne sont pas nuls.

On ne peut qu’espérer diminuer leur fréquence en formant mieux les médecins et en améliorant les lasers en fonction des progrès de la connaissance de leurs effets tissulaires. Par contre, le taux d’accidents devrait pouvoir être(et est la plupart du temps) nul. Leur prévention passe par une bonne connaissance de leurs causes et l’application des mesures qui sont exposées ci‐dessous.

Il existe deux types d’accidents possibles : ceux en rapport avec la lumière, et ceux en rapport avec le laser lui‐même.

1. Les dangers liés à la lumière laser

a. Faisceau direct, faisceau divergent et lumière réfléchie

Les risques de lésions sont proportionnels à l’irradiance (W/cm2) utilisée.

Le faisceau « direct », en sortie de laser ou de bras optique est très peu divergent et l’irradiance peut être considérée comme étant pratiquement constante dans les limites de la salle de traitement (voire même au delà, à travers une fenêtre). Heureusement, le faisceau « direct » est très rarement utilisé en Médecine.

Le faisceau « divergent » (après transmission par fibre optique ou focalisation par une lentille)voit son irradiance (et donc son danger) diminuer proportionnellement à l’angle de divergence et au carré de la distance.

Le danger de la lumière réfléchie dépend de la qualité de la surface réfléchissante. Un miroir presque parfait comme une glace ne modifiera que très peu la géométrie du faisceau. Par contre, une pièce métallique non polie, une peinture très brillante (pour certaines longueurs d’onde), voire la surface des tissus (qui peuvent réfléchir jusqu’à 50 % de la lumière pour certaines longueurs d’onde) diffuseront beaucoup la lumière et l’irradiance diminuera très vite avec la distance par rapport à la surface réfléchissante.

b. Les yeux

L’opérateur laser et toutes les personnes présentes, dans la pièce où se trouve l’appareil, doivent porter impérativement des lunettes de protection, généralement fournies par le constructeur. Ces lunettes doivent homologuées CE. Une série de chiffres permet de connaître les limites de protection de ces lunettes.

En cas de non respect de cette consigne de sécurité essentielle, les types et la gravité des lésions induites dépendent de nombreux facteurs : la longueur d’onde, l’irradiance, le mode d’émission (pulsé ou continu), et l’ouverture pupillaire au moment de l’accident. Peuvent être touchés : la cornée et la conjonctive, le cristallin et la rétine.

c. Les brûlures cutanées

Les brûlures cutanées ne sont en général pas très graves si elles se produisent sur des sujets conscients qui peuvent réagir immédiatement et faire interrompre l’émission laser. Par contre, un malade anesthésié ne peut réagir et les brûlures peuvent être beaucoup plus graves si personne ne se rend compte qu’un accident est en train de se produire.
Les brûlures peuvent être dues :
-à un tir direct,
-à un tir réfléchi qui peut par exemple brûler le doigt de l’opérateur après réflexion sur une pince chirurgicale,
-à une atteinte indirecte par ignition des champs opératoires qui peuvent brûler pendant un certain temps sans dégager de flammes ou de fumée,
-à une atteinte indirecte par combustion de désinfectants volatils.

C’est pourquoi il est recommandé de mouiller les champs opératoires, et d’éviter qu’une confusion entre la pédale du laser et une autre pédale (bistouri électrique) puisse se produire. L’utilisation d’une instrumentation chirurgicale spéciale anti‐réflexion (instruments dépolis ou noircis) est préconisée pour certains.

2. L’Exposition Maximale Permise (EMP) et la Distance Nominale de Danger (DND)

L’Exposition Maximale Permise, EMP (en anglais : Maximum Permissable Exposure, MPE) correspond aux doses maxima de rayonnement auquel on peut être exposé sans dommages immédiats ou à long terme. L’EMP dépend de la longueur d’onde, de l’irradiance, du temps d’exposition et de la zone exposée (oeil ou peau). Ces doses ont été calculées dans la norme 825 de la Commission Electronique Internationale (CEI) qui donne plusieurs tableaux assez complexes à consulter. Cette norme est très abstraite pour la plupart des utilisateurs lasers ; c’est pourquoi, il vaut mieux lui préférer la notion de Distance Nominale de Danger, DND (Nominal Hazard Distance, NHD), qui correspond à la distance par rapport à la source de lumière où l’EMP est atteinte. Cette distance peut être très grande avec le faisceau direct d’un laser (sans fibre optique induisant une divergence du faisceau). Ainsi, pour les yeux, avec le faisceau direct d’un laser vert émettant 10 W pendant une seconde, la DND sera supérieure à 100 mètres. Heureusement, les lasers sont pratiquement toujours utilisés avec des fibres optiques ou une lentille qui induisent une divergence du faisceau et donc réduisent la DND. Ainsi, toujours pour les yeux, avec un laser Nd:YAG connecté à une fibre de 600 μm et émettant pendant une seconde, la DND par rapport à l’extrémité de la fibre est de 2.5 m pour une puissance de 20 W et de 7 m pour une puissance de 80 W.

La connaissance de l’EMP ou plus volontiers de la DND permet de définir, dans une pièce, la zone de danger. L’EMP et DND seront calculées pour l’oeil qui est la zone la plus sensible. A
l’intérieur de cette zone, le port de lunettes de protection est obligatoire. En dehors, on peut théoriquement s’en affranchir. En fait, pour éviter tout risque d’erreur, il semble préférable
de faire porter systématiquement des lunettes dans toute la pièce. Mais cette notion d’EMP et de DND permet de choisir l’endroit où seront placées les lunettes.

Si l’entrée de la pièce se situe au‐delà de la DND (cas par exemple d’une pièce en « L »), les lunettes peuvent être placées juste après la porte. Dans le cas contraire, il faut que les lunettes soient placées dans un sas de protection devant la porte d’entrée. Dans la mesure où la DND peut atteindre 7 m pour un tir de laser Nd:YAG couramment utilisé (80 W, 1s), il faut aussi tenir compte des fenêtres qui sont transparentes à 1,06 μm dans le calcul de la zone de danger. Il faut donc opacifier les fenêtres avec des matériaux non inflammables, soit peindre celles‐ci avec une peinture diffusante si elles sont situées suffisamment loin de la source de rayonnement.

3. Les fumées tissulaires

Ces fumées sont provoquées par la volatilisation des tissus. Elles ont une odeur très désagréable, et elles doivent être considérées en outre comme étant potentiellement dangereuses. Deux types de risques sont évoqués à leur sujet : le risque toxique pulmonaire et le risque de contamination infectieuse ou tumorale.

Des études expérimentales ont été réalisées sur le rat pour étudier le risque toxique. Les animaux étaient placés dans une enceinte close où l’on faisait circuler les fumées. Des
lésions pulmonaires congestives ont été constatées. Il s’agissait certes de conditions extrêmes (les animaux respiraient directement les fumées) qui ne peuvent pas se produire
lors d’un traitement. Néanmoins, lorsque l’on voit les dépôts qui se produisent sur les tuyaux d’aspiration des fumées, on comprend qu’il vaut mieux éviter de se mettre dans des
conditions où ces dépôts pourraient se produire au niveau des poumons.

Le risque de contamination infectieuse ou tumorale a été étudié soit en essayant d’ensemencer des milieux de culture, soit en effectuant des analyses des fumées. Jusqu’à maintenant, il n’a pas été démontré qu’une culture bactérienne ou cellulaire ait pu pousser à partir de fumées. Certaines analyses ont retrouvé des fragments d’acides nucléiques dans les fumées mais leur nature contaminante n’a pas été prouvée. En 2010, aucune publication n’a été faite sur d’éventuelles contamination infectieuse ou tumorale d’un opérateur laser.

Il faut donc être prudent en ce qui concerne ces fumées. Quatre mesures de sécurité sont proposées : l’aspiration des fumées, le port de lunettes, de gants et d’un masque.

On peut utiliser un aspirateur qui rejette les fumées à l’extérieur de la pièce, mais on ne fait pas que reporter le risque de contamination en dehors de la salle laser. Il semble préférable
d’utiliser un aspirateur spécial qui fait passer les fumées à travers 2 types de filtres : un filtre retenant les grosses particules et un filtre à charbon actif. L’air qui sort de l’aspirateur est complètement décontaminé et inodore.

Les lunettes doivent éviter une éventuelle projection de débris tissulaires au niveau des yeux.

Le port de gants par le médecin protège ses mains qui peuvent être très proches du lieu d’émission.

Le port d’un masque concerne toutes les personnes présentes mais fait l’objet de controverses. Certains estiment que les masques chirurgicaux ordinaires n’ont pas un pouvoir filtrant suffisant car il faut pouvoir retenir toutes les particules d’une taille supérieure à 0,3 μm. Ils proposent donc des masques « spécial laser », beaucoup plus chers que les masques chirurgicaux classiques. Un masque n’étant jamais parfaitement étanche, cette protection supplémentaire semble très aléatoire et d’ailleurs l’intérêt de ces masques n’a pas été démontré.

En fait, la meilleure solution est d’aspirer avec un aspirateur filtrant les fumées, le plus complètement possible, donc le plus près possible de leur lieu d’émission.

4. Les dangers liés au laser lui-même

Dans le passé, la plupart des lasers médicaux fonctionnaient sous haute tension et avec de fortes intensités. Ces risques étaient souvent majorés par la circulation d’eau pour le
refroidissement du tube et parfois de l’alimentation électrique.

Les appareils actuels fonctionnent avec des alimentations basse tension et ne nécessitent plus d’être relier à un circuit de refroidissement externe. De plus, la conception de ces appareils ne doit pas permettre à l’utilisateur d’accéder aux zones dangereuses. Leur accès pour la maintenance ne peut se faire que de façon délibérée,donc par une personne supposée avertie des risques, en ouvrant une serrure fermant à clé,ou en dévissant les vis fixant un panneau.

Certains lasers peuvent présenter d’autres risques, comme les lasers excimers qui utilisent des gaz toxiques (fluor, chlore, …), ou les lasers utilisant une lampe flash, qui peuvent
exploser. Cependant, les essais techniques lors de la procédure d’homologation ont pour but de vérifier la conformité du laser aux normes qui mettent l’utilisateur à l’abri de ces risques.

5. Aspects réglementaires

En cas d’éventuel accident (brûlure d’un patient par exemple) :

‐ Le propriétaire du laser devra prouver que la maintenance et le contrôle du laser ont bien été effectués dans l’année : Décret n°2001‐1154 du 5 décembre 2001 relatif à l’obligation de maintenance et au contrôle de qualité des dispositifs médicaux prévus à l’article L. 5212‐1 du code de la santé publique.

‐ Une déclaration de l’incident ou de l’accident devra être faite : Décret n° 96‐32 du 15 janvier 1996 relatif à la matériovigilance exercée sur les dispositifs médicaux.

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