Dr Christophe Bertrand
Ophtalmologue
Grenoble
Organe de la vision, l’œil a une relation particulière à la lumière : la partie visible du spectre lumineux (de longueur d’onde comprise entre 400 et 800 nm) est nécessaire à sa fonction alors que le rayonnement ultraviolet (UV), comme pour d’autres organes et tissus, est considéré comme délétère. Proche des UV, la lumière bleue est également considérée par certains comme potentiellement toxique.
Le rayonnement UV augmente avec l’ensoleillement bien sûr, mais également avec l’altitude et se réfléchit plus ou moins selon les surfaces qu’il rencontre : 1 % du rayonnement incident est réfléchi sur l’herbe, 10 % sur le sable, 20 % sur l’eau et jusqu’à 85 % sur la neige.
L’œil non protégé peut être affecté par les UV soit au niveau de la surface oculaire (conjonctive et cornée) au même titre que la peau, soit de manière plus spécifique en tant qu’organe visuel au niveau des structures internes (cristallin et rétine).
Atteintes superficielles :
La surface de l’œil est constituée par la conjonctive (fine membrane transparente recouvrant la sclere, c’est-à-dire le « blanc de l’œil ») et la cornée, hublot transparent central de 12 mm de diamètre. Ces 2 tissus peuvent être affectés par une exposition excessive aux UV.
La conjonctivite solaire provoque une rougeur de l’œil qui est sensible plutôt que douloureux. Une sensation de sable est fréquente. L’atteinte de la cornée ou kératite est, elle, franchement douloureuse. Elle provoque une baisse de vision temporaire mais invalidante. Elle guérit habituellement en quelques jours, mais laisse généralement un vif souvenir à ceux qui l’ont subie… C’est la classique ophtalmie des neiges due à la conjonction de l’altitude qui majore les UV et de la forte réflexion de la lumière sur la neige. La sécheresse de l’air et le vent en majorent encore l’inconfort ! Dans la version de plaine c’est également le « coup d’arc » du soudeur qui a regardé à côté de son masque de protection pour mieux voir sa soudure. Les UV provoquent des lésions de l’épithélium cornéen. Celles-ci cicatrisent habituellement en quelques jours sans séquelles.
À côté de ces incidents aigus liés à une surexposition aux UV existent également des pathologies secondaires à une irritation chronique des conjonctives, responsable de métaplasie conjonctivale avec épaississement et excroissances (ptérygoïdes et ptérygions). Ceux-ci peuvent nécessiter une ablation chirurgicale.
Atteintes internes :
À l’image d’un appareil photo, les lentilles de l’œil (cornée et cristallin) focalisent la lumière sur la rétine, en particulier sur son centre, la macula. Celle-ci, très différenciée et donc fragile, peut s’altérer au fil du temps en fonction des différentes agressions, entre autres lumineuses, qu’elle subit.
Ainsi il est de règle d’éviter une surexposition solaire en particulier lorsqu’existent déjà d’autres facteurs de risque locaux (aspect du fond d’œil) ou généraux (age avancé, tabac) d’une dégénérescence maculaire liée à l’age (DMLA).
Chez l’enfant, le cristallin est très transparent et laisse passer toutes les longueurs d’ondes en particulier celles de forte énergie, proches du bleu. Cette quasi-absence de filtre naturel impose le port d’une protection solaire lors de fort ensoleillement, à fortiori en présence de surfaces réfléchissantes (neige, eau).
Une forme anecdotique, presque expérimentale, de brûlure rétinienne par le soleil survient volontiers lors de l’observation d’éclipses sans protection adaptée (les lunettes de soleil, même de classe 4, sont insuffisantes !). La cicatrice maculaire après une telle brûlure peut altérer définitivement la vision centrale.
D’autre part, à côté des risques rétiniens, l’évolution d’une cataracte (opacification du cristallin) pourrait être accélérée par la surexposition aux UV.
Enfin, pour mémoire, la cicatrisation de la cornée des opérés de chirurgie réfractive peut être affectée par une exposition aux UV. Le port d’une correction est nécessaire pendant l’année qui suit l’intervention.
La prévention de ces différents problèmes passe par le port de verres solaires. Les enfants, dont le jeune cristallin bien transparent ne filtre pas assez, et les personnes présentant des affections rétiniennes (DMLA, rétinites pigmentaires, etc.…) doivent y être particulièrement attentifs. L’intensité de l’ensoleillement, l’altitude et la présence de surfaces réfléchissantes sont à prendre en compte. Selon les circonstances, les verres de classe 2 à 4 (conduite automobile interdite) seront utilisés. La forme des verres et montures doit tenir compte de la lumière réfléchie.