Dermatologie et prévention

Traditionnellement, les médecins chinois étaient payés tant que leurs patients étaient en bonne santé. Fous ces chinois ? En fait non, ils pratiquaient une médecine préventive.

En Occident, la médecine curative, certes extrêmement performante, est au contraire très valorisée mais d’une façon peut-être excessive. Reconnaissons que la vie sauvée par le brillant chirurgien ou l’héroïque réanimateur impressionnera davantage le public que les mille vies sauvées par l’humble médecin hygiéniste. Mais le geste spectaculaire se voit alors que la maladie évitée ne se voit pas.

La dermatologie n’échappe pas à la règle alors que la peau et l’aspect esthétique sont un extraordinaire terrain d’approche de la prévention.

Paradoxalement, l’arrivée des biothérapies, traitements jouant sur l’immunité, a permis de mettre ce lien valeur. En effet, ces traitements schématiquement anti-inflammatoires sont maintenant proposés dans le psoriasis, pathologie inflammatoire provoquant l’apparition de plaques rouges et de croutes. Les études sur les biothérapies ont permis de constater que les patients les plus touchés sont globalement plus gros, avec plus précisément une propension au syndrome métabolique qui associe obésité, diabète, hypertension artérielle et augmentation du cholestérol et des triglycérides. Or, on sait depuis peu que les graisses en excès ne sont pas inertes mais sécrètent des produits « toxiques » aggravant l’inflammation et le syndrome métabolique. L’élément central est l’inflammation dont le psoriasis est donc le témoignage.

Autrement dit, sur un patient donné et compte tenu de son terrain génétique, l’amélioration ou l’aggravation du psoriasis reflète assez bien le degré d’hygiène de vie et pas seulement l’état nerveux comme on le dit un peu trop facilement .

En fait, les cancérologues avaient déjà observé que des soins esthétiques améliorent l’évolution de la maladie et nous connaissons tous les psycho-esthéticiennes qui redonnent aux malades une meilleure image d’elles-mêmes. Ce qui signifie que l’amélioration de l’apparence améliore la santé. Actuellement, une étude est menée au Centre Jean Perrin à Clermont-Ferrand sur des patientes qui viennent de terminer un traitement pour cancer du sein ( chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie ), avec 15 jours dans une station thermale où elles bénéficient d’un entrainement sportif, d’ateliers diététiques, de soins esthétiques et d’une psychologie de soutien. Il faut savoir que les femmes atteintes de cancer du sein ont globalement un poids trop élevé, qui s’aggrave quand le traitement est terminé. Des études américaines, récemment publiées, ont montré que ce type de prise en charge améliore le pronostic d’environ 50%.

En dehors de contexte dramatique, il est banal d’observer que les acnés inflammatoires touchent souvent des jeunes consommateurs excessifs de sucres, avec volontiers un diabète familial . Si nous expliquons à ces ados que leur excès de sucre risque de leur créer des problèmes de santé après 50 ans, ils nous riront au nez . Si nous leur expliquons l’intérêt de diminuer le sucre pour améliorer leur acné maintenant ( ce qui augmentera leurs chances en amour ), ils nous écouterons attentivement. Et les précautions prises à cet âge seront vraiment rentables car ce n’est pas au stade des dégâts irréversibles qu’il faut commencer la prévention, cela va sans dire .

Les soins dermatologiques ou esthétiques sont donc l’occasion d’évaluer l’hygiène de vie et de remotiver les patients, en se fondant sur l’état cutané ou l’obésité, et comme le résultat se voit, la motivation sera plus importante que pour échapper à une hypothétique maladie que l’on ne voit pas .

Au fait, les premiers résultats officiels de l’étude de Clermont-Ferrand seront annoncés fin 2011.