Pr Jean-Claude Béani
Dermatologue
CHU Grenoble
L’été revenant les éruptions cutanées liées aux expositions solaires aussi ! Le terme de photodermatoses ou lucites s'applique à tous les états au cours desquels la peau réagit de manière anormale à la lumière ; elles sont de plus en plus fréquentes du fait de la multiplication des expositions solaires au cours des activités de loisirs et de la multiplication des agents photoactifs, en particulier médicamenteux, auxquels la peau est soumise.
Ces états relèvent de la présence dans la peau de l’individu de chromophores (molécules capables d’absorber et d’être activées par la lumière) anormaux, identifiés ou non. Ces chromophores, qualifiés dans les cadres qui nous concernent présentement de photosensibilisants, peuvent être dans des cas très rares, car liés à une anomalie métabolique génétique, endogènes et clairement identifiés, on parle alors lucites par troubles du métabolisme ou photosensibilisation endogène. Ils peuvent être aussi, et c’est la situation la plus habituelle, d’origine exogène, arrivant à la peau par voie interne (médicaments) ou après application locale (topiques, cosmétiques, végétaux) ; c’est le cadre des photosensibilisations exogènes.A l’inverse, dans certains cas le patient va réagir anormalement lors d’exposition solaire mais les molécules photosensibilisantes à l’origine de cette réaction anormale ne sont pas identifiables dans l’état actuel des connaissances on parle de lucite idiopathique.
Le diagnostic de lucites est souvent facile, fait par le patient lui-même devant une éruption cutanée survenant après une exposition solaire et localisée sur les parties qui étaient découvertes au moment de cette exposition. Il faut cependant éviter les pièges ! Beaucoup de photosensilisants externes ont une spectre d’absorption dans les ultraviolets (UV) A qui traversent le verre de vitre et ainsi on peut être victime d’un accident de photosensibilisation en étant resté à lire dans son salon derrière la baie vitrée ou bien après un long trajet sa voiture (le pare-brise n’arrêtant par les radiations lumineuses impliquées) , ou encore un jour où l’atmosphère est nuageuse, car un voile nuageux laisse filtrer largement assez d’UV pour que se déclenche une réaction de photosensibilisation, ou enfin après être resté tout l’après-midi sous un parasol car les UV se réfléchissent de manière importante sur le sable.
La photosensibilisation externe se manifeste le plus souvent par un coup de soleil dont l’intensité est sans commune mesure avec la durée d’exposition, plus rarement par un eczéma des parties découvertes .
De très nombreuses molécules sont photosensibilisantes, elles se retrouvent dans des substances aussi variées que des produits d’usage local (cosmétiques, antisolaires), des végétaux ou des médicaments, ce qui explique la diversité des modes de photosensibilisation. La liste s’allonge chaque jour et ne peut être exhaustive.
Les végétaux sont responsables de photophytodermatoses tel est le cas pour le frullania, les composées et les lichens appartenant à la famille des cladoniaceae, dont le risque est lié au contact direct lors du jardinage, mais aussi avec leurs extraits présents dans de nombreux cosmétiques (parfums et lotions après-rasage), des shampooings, des crèmes à base de végétaux, de phytothérapies, et toutes les plantes contenant des furocoumarines.
Parmi les médicaments à usage local, citons les dérivés de l’acide propionique, responsables de réactions photoallergiques extrêmement sévères en particulier le kétoprofène (gel Ketum®) qui déclenche en même temps, chez le même patient, une réaction de sensibilisation de contact et de photoallergie, avec des phénomènes intenses se pérennisant souvent pendant plusieurs semaines.
Pour les cosmétiques, outre les produits parfumés, il faut citer les filtres solaires ; les benzophénones sont imputées dans de nombreuses photoallergies car, en dehors de leur très large utilisation dans les produits de protection solaire ( incorporation aujourd’hui interdite), elles sont toujours présentes dans la fabrication des cosmétiques, des matières plastiques, des textiles, des caoutchoucs, des encres, des teintures, des parfums, des vernis, des peintures. D’autres filtres sont aussi responsables, en particulier récemment l’octocryléne.
Pour les médicaments pris par voie générale, les plus souvent impliqués sont certains antibiotiques comme les dérivés des quinolones, les psychotropes, les normolipémiants, les anti-inflammatoires, certains antihypertenseurs, certains antidiabétiques, certains anti-arythmiques cardiaques. La liste est donc particulièrement longue et il est impératif de prévenir son médecin en cas de projet de séjour imminent en lieu ensoleillé lors de prescription nouvelle pour une pathologie aiguë et pour les traitements pris au long de s’enquérir d’un risque potentiel auprès de son médecin ou de son pharmacien pour que celui-ci précise le risque éventuel avec le traitement pris.
Enfin certains sujets vont spontanément déclencher une dermatose lors d’exposition solaire.
La plus commune de ces éruptions est la lucite estivale bénigne, atteignant électivement la jeune femme. Elle apparaît de manière caractéristique au printemps ou au début de l’été, à la suite des premières expositions au soleil et se manifeste par un prurit suivi par un érythème diffus et finalement émergence de lésions (plaques, petites papules, ou vésicules) qui vont durer quelques heures à plusieurs jours et disparaître spontanément sans laisser la moindre cicatrice. Les localisations électives sont le décolleté, les avant-bras, le dos des pieds alors que le visage est épargné. Au fur et à mesure des expositions solaires dans l’été, les éruptions tendent typiquement à devenir moins sévères jusqu’à qu’à l’acquisition d’une tolérance solaire. Après plusieurs années de survenue annuelle, la maladie finit toujours par se résoudre spontanément.
Le traitement de l’épisode aigu passe par l’application locale de dermocorticoïdes ; la prévention de la survenue de l’éruption par les produits de protection solaire de très haut indice de protection, la prise d’antipaludéens de synthèse et dans les cas les plus sévères la photothérapie, à l’inverse les antioxydants sont inopérants.